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Marie Gérin-Lajoie: Conquérante de la liberté, Montréal, Éditions du Remue-Ménage, 2005.

Elle a été première ministre des femmes, et la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste, qu’elle a fondée, fut le siège de son gouvernement. Pendant un demi-siècle, Marie Gérin-Lajoie a déployé une infatigable ardeur à combattre les préjugés véhiculés au sujet des femmes, considérées alors par beaucoup comme des êtres influençables aux nerfs fragiles et à l’intellect amoindri. Cette biographie met en relief la destinée exceptionnelle de la pionnière de la lutte pour le droit de vote et le droit à l’éducation féminine au Canada français.

Née en 1867 à Montréal, fille aînée du juriste Alexandre Lacoste et de la femme d’œuvres Marie-Louise Globensky, Marie Gérin-Lajoie a refusé, très tôt dans sa vie, d’être tenue dans un état de sujétion qui niait son intelligence et sa créativité. Se rebellant devant le traitement discriminatoire que le Code civil infligeait aux femmes mariées, elle est devenue une spécialiste du droit, soucieuse de convaincre ses contemporains de l’urgence de modifier les textes de loi.

À ses yeux, toutes les femmes étaient des travailleuses de la famille dont les besoins fondamentaux étaient ignorés. D’une voix franche et déterminée, elle a dénoncé la situation au moyen d’une pensée sociale originale, transformant sa foi en volonté d’action. Indignée d’être, uniquement à cause de son sexe, une citoyenne de seconde classe à qui l’on interdit non seulement un éventail de professions, mais aussi l’usage du droit de vote, elle a fondé une fédération d’associations féminines qui a transformé la parole des femmes isolées en une puissante voix collective.

Comprenant que la vie était un combat, Marie a offert aux femmes l’arme de l’association, fondant des regroupements syndicaux pour diverses catégories de travailleuses. Elle a ouvert la formidable brèche grâce à laquelle la génération suivante de féministes (dont sa propre fille, sœur Marie Gérin-Lajoie, et les militantes Idola Saint-Jean et Thérèse Casgrain) a pu obtenir des victoires significatives. En ce sens, elle a pavé la voie à l’explosion du mouvement féministe québécois à partir des années 1960.


 

Extrait

L’affluence au salon des Lacoste est particulièrement grande en ce jeudi de la fin du printemps 1884. Alexandre est absorbé par une discussion passionnée avec plusieurs autres membres du Parti conservateur, tandis que Marie-Louise écoute une dame lui faire des confidences à voix basse. Les fenêtres sont ouvertes, mais la chaleur stagne dans la vaste pièce, tandis qu’une jeune femme joue nonchalamment du piano et que Marie se promène lentement entre les groupes d’invités. Quelques hommes suivent du regard cette mince jeune fille de seize ans dont le visage, aux traits fins et bien dessinés, est embelli par des yeux d’un bleu infini.

L’attention de Marie est attirée par une conversation. Elle reconnaît tout de suite le sujet : les déboires des catholiques en France, où l’État a pris le contrôle de l’éducation. Bien entendu, tous les membres du petit groupe s’y opposent, et dénoncent en chœur le mouvement de la libre pensée qui progresse en Europe, y compris parmi quelques femmes qui réclament l’accès aux études supérieures et aux professions et l’élargissement de leurs droits. Poursuivant son chemin, Marie ne peut s’empêcher de penser qu’il est trop facile de pourfendre les féministes européennes sous prétexte qu’elles rejettent la morale catholique. Si leur philosophie de vie lui semble blâmable, leur discours sur l’enfermement des femmes touche en elle une corde sensible.

La jeune fille remarque trois dames d’âge mûr, trop maquillées et trop décolletées à son goût, qui parlent avec animation en regardant ostensiblement une autre femme, plus jeune, assise seule sur un canapé dans un coin de la pièce. Marie sait très bien de quoi ces commères se moquent. Mère de cinq enfants, cette femme a été abandonnée par son mari plusieurs années plus tôt. Même si elle est d’un milieu bourgeois, elle est obligée de travailler, quelques jours par semaine, au secrétariat du bureau d’avocats de son frère. Régulièrement, son mari, qui vit maintenant avec une autre femme, vient retirer à la banque une partie des économies qu’elle y dépose. Lorsqu’elle a voulu vendre un immeuble lui appartenant, son mari, à qui elle devait demander l’autorisation, lui a extorqué une somme d’argent.

Marie croise régulièrement, dans l’entourage de la famille Lacoste et parmi les domestiques, des femmes, souvent chargées de famille, qui sont négligées par un mari qui garde cependant tous les droits et privilèges, y compris celui de s’accaparer du salaire de son épouse. Dans les salons, ces problèmes sont souvent matière à commentaires légers et malicieux, une attitude qui la scandalise! Marie est révoltée par cette domination tyrannique, par l’incapacité des femmes de se soustraire à l’autorité d’un mari abuseur.


 

Page web du livre chez Éditions du Remue-ménage

Texte dans le Dictionnaire biographique du Canada

Parcours thématique à Bibliothèque et archives nationales du Québec :